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La conversion selon la halakha |
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par le rav Refaël
Cohen-Arazi La conversion au judaïsme a pris, depuis déjà de nombreuses années, les dimensions d'un problème aux multiples facettes (religieuse, politique et socio-culturelle), qui ne cesse de réapparaître sur le devant de la scène publique juive. L'existence de courants réformés et conservateurs particulièrement puissants en Amérique, une législation en Érets Yisraèl (État d'Israël) dont les ambiguïtés ont permis, ces derniers temps, de faire enregistrer comme Juifs des convertis dont ni la conversion ni le mode de vie ne correspondaient aux exigences minimales de la halakha, donnent à cette question une acuité toute particulière. Il nous a donc semblé important de présenter ici la guérout ou conversion, telle que définie par la halakha. Les
conditions Remarquons cependant que Hillel accepta de convertir quelqu'un dont l'unique désir était de devenir Grand Prêtre (la chose lui étant pourtant impossible, puisqu'il n'était ni ne pouvait devenir Kohène Chabbat 31a.; Rabbi Hiya convertit une femme qui désirait épouser un Juif Ménahot 44a. car dans ces deux cas, Hillel et Rabbi Hiya savaient de façon certaine que ces deux personnes étaient de toute manière prêtes à une observance sans faille des mitswot : la conversion aurait, sans cela, été impossible Tossafot sur Yébamot 24b.. En bref, il convient avant toute chose de s'enquérir de la motivation profonde du non-Juif désireux de se convertir Rambam, Issourè Bia 13,14; 14,1.. Conformément à l'enseignement du Talmoud, le Rambam écrit ainsi :
S'il répond : Je le sais et ne suis pas digne de lui, on l'accepte immédiatement. On lui enseigne les principes de notre croyance, qui sont l'unicité de D'ieu et la prohibition de l'idolâtrie; on mettra un accent particulier sur ces notions, puis on portera quelques mitswot à sa connaissance, parmi les plus bénignes comme parmi les plus importantes, sans trop s'attarder à cela. On lui apprendra aussi les châtiments encourus par ceux qui les transgressent, en lui disant : sache que tant que tu n'appartiens pas à notre croyance, tu peux manger de la graisse interdite, sans craindre le karet Châtiment qui se rapporte à certaines transgressions particulièrement graves. Selon la tradition, il consiste en une mort prématurée ou une vie sans descendance, la faute ayant entraîné une coupure de la source divine.; tu peux profaner le Chabbat sans risquer la lapidation... Mais il ne faut pas s'étendre sur ce sujet ni se montrer trop pointilleux à son égard, de peur qu'il n'en vienne à abandonner la bonne voie dans laquelle il s'est engagé... Et de même qu'on lui fait connaître les châtiments encourus, on lui expose la récompense des mitswot, et comment en les accomplissant il aura part au monde à venir. S'il se ravise et refuse de s'y engager, qu'il aille son chemin. S'il accepte, on le circoncit sans plus attendre Rambam, Issourè Bia 14, 1-5. Précisons que s'il accepte toutes les mitswot de la Tora et des Hakhamim à l'exception de l'une d'entre elles, on ne pourra le convertir Rambam 1b. 14,8; Choul'hane Âroukh, Yoré Déâ 268,2. Au cas où la conversion a été effectuée sans examen préalable de ses motivations, ou si l'on a omis d'apprendre au converti tant les châtiments liés à la transgression des mitswot que la récompense de leur accomplissement, cette conversion sera tenue a posteriori valable; si, par ailleurs, on apprend après coup que la conversion n'avait d'autre but qu'un profit quelconque (mariage, etc..), le converti sera considéré à tous égards comme Juif; on doit pourtant tenir en doute sa conversion jusqu'à ce qu'il ait fait preuve de sa bonne foi en pratiquant les mitswot. Quand bien même il retournerait ensuite aux errances des idolâtres, il sera toujours considéré comme Juif Rambam I.B. 13, 16; Choul'hane Âroukh, ibid. Certains décisionnaires sont pourtant d'avis que l'on tiendra pour nulle et non avenue une conversion effectuée par intérêt Tossafot dans Yébamot 24b., il en sera de même si on n'a pas exposé à l'impétrant les châtiments et récompenses liés aux mitswot Choul'hane Âroukh, Yoré Déâ 268,3. On ne peut certes toujours savoir à l'avance si la conversion est sincère ou non. C'est ce qui a fait dire à nos Sages : Les prosélytes sont pénibles pour Israël comme la lèpre. Nombreux sont en effet ceux qui se convertissent par intérêt, et sans aucune intention d'accomplir les mitswot de la Tora. Il est difficile de les repousser après leur conversion, bien que leur mode de vie n'ait en rien changé; mêlés aux Juifs, ils pourront alors exercer une influence néfaste sur eux Yébamot 47b et Rachi; Rambam, I.B. 13,18. Du verset Bamidbar (Nombres) 15,16. : Et un seul jugement sera pour vous et pour le prosélyte... le Talmoud Yébamot 46b. déduit que la conversion équivaut à un jugement, tout comme un jugement, la conversion ne pourra donc se faire que de jour, en présence de trois juges. Si l'acceptation des mitswot, partie intégrante et fondamentale de la conversion, n'a pas été effectuée de jour ou devant trois Juifs dignes d'être considérés comme juges d'un Tribunal Rabbinique, elle sera dépourvue de toute valeur Choul'hane Âroukh, Yoré Déâ 268,3 et commentaire du Chakh. Même un enfant pourra être converti. Mais comment comprendre une telle initiative, quand il s'agit d'un garçon de moins de treize ans ou d'une fille de moins de douze ans? N'ayant en effet aucun pouvoir légal de décision, comment peuvent-ils assumer cette condition essentielle de la conversion qu'est l'acceptation des mitswot? La halakha distingue en fait trois cas : une femme enceinte qui se convertit; un homme qui présente son fils à la conversion; un enfant mené par sa mère devant les autorités rabbiniques, ou qui se présente tout seul. Le foetus étant considéré comme partie intégrante de sa mère, la conversion d'une femme enceinte vaudra donc automatiquement pour son enfant, si le Tribunal Rabbinique sait qu'elle est enceinte Yébamot 78a; Rambam, Issouré Bia 13,7; Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,6 et commentaire Dagoul Mérevava. Si un enfant est présenté à la conversion par son père, on considère par principe que l'enfant accepte et entérine les décisions de son père à son sujet, y compris l'acceptation des mitswot Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,7. Si l'enfant est présenté par sa mère ou se présente tout seul, il sera également possible de le convertir; le Tribunal Rabbinique a en effet pouvoir de décider d'une telle conversion, car il y a là avantage pour l'enfant à devenir Juif. Or la règle talmudique est que l'on peut faire gagner ou mériter quelque chose à quelqu'un, même en son absence : l'enfant, privé du pouvoir légal de décision, est ici considéré comme n'étant pas présent devant le Tribunal Rambam, Issouré Bia 13, 6; Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,7. Dans ces deux derniers cas pourtant, si l'enfant devenu majeur (treize ans pour les garçons, douze ans pour les filles) proteste contre sa conversion, il sera considéré conformément à sa volonté comme non-Juif Choul'hane Âroukh, ibid.. Si par contre il a, une fois majeur, commencé à vivre comme un Juif respectueux des mitswot, pour ensuite protester contre la conversion qui lui a été imposée en son jeune âge, cette contestation sera sans effet, et on le tiendra toujours pour Juif Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,8.. Dans le cas d'une conversion de femme enceinte, l'enfant né après coup ne pourra à sa majorité protester contre sa conversion Pithè Téchouva, Yoré Déâ 268,8. La procédure
La génération
du désert, après la sortie d'Égypte, est entrée
dans l'alliance divine en trois étapes : circoncision (mila),
immersion dans un miqwè (tévila), sacrifice (qorbane).
Du verset Bamidbar (Nombres) 15,15. : Une même loi sera pour vous comme pour le converti nous apprenons que toute conversion doit se faire selon le même processus : pour un homme, mila, tévila et qorbane; pour une femme, tevila et qorbane Kéritoute 9a; Rambam Issourè Bia 13, 1-5. La mila cf. Bérèchit (Genèse) 17, 9-14. est le signe de l'alliance divine avec le peuple d'Israël; la tevila purifie de l'impureté rituelle attribuée au non-Juif, comme de celle liée au prépuce se séparer du prépuce est comme se libérer de l'impureté d'une tombe Pessahim 92b.; le qorbane consacre l'entrée du guèr dans la communauté d'Israël. La Tora Bamidbar (Nombres) 15,14., en précisant : Lorsqu'un converti habitera parmi vous... dans toutes vos générations, nous apprend qu'il y a possibilité de conversion à toutes les époques, même en l'absence du Temple et des qorbanot. Le converti est donc de nos jours dispensé par la force des choses de l'offrande de son qorbane, mais la reconstruction du Temple lui en ferait à nouveau obligation Kéritout 8b; Rambam Issourè Bia 13,6; Méhoussarè kapara 1,2. La circoncision n'est effective qu'après la tévila : une circoncision sans tévila, ou une tévila sans circoncision, ne sauraient être prises en considération Rambam, Issouré Bia 13,6. La présence du prépuce entraînant une impureté, la mila doit précéder la tévila Rambam, Mila 1,7.. Si la tévila a précédé la mila, certains décisionnaires considèrent la conversion comme valable, mais d'autres estiment qu'il faudra procéder à une nouvelle tévila Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,10, Chakh 2.. Même selon cette dernière opinion, un garçon né après que sa mère se soit convertie durant sa grossesse n'aura pas à être immergé après sa circoncision; au moment de la tévila de sa mère, le foetus en effet n'était pas encore en état d'être circoncis Tossafot, Yébamot 47b. On doit prononcer deux bénédictions avant la mila du converti :
Les trois membres du Tribunal Rabbinique doivent être présents à son entrée dans le miqwé, et lui rappeler à nouveau quelques mitswot bénignes et quelques mitswot importantes; cet exposé a certes été déjà fait lors de sa première prise de contact avec eux, mais il convient de le répéter en ce moment capital qui marque son entrée dans l'alliance divine Rachi Yébamot 47b; Rambam I.B. 14,6; Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,2. À sa sortie de l'eau, le converti prononce la bérakha suivante : Tu es béni, Éternel notre D'ieu, roi de l'univers, qui nous a sanctifiés par ses mitswot et nous a ordonné la tévila. Bien que la règle soit de toujours prononcer la bérakha relative à une mitswa avant son exécution, le converti ne pourra dire cette bérakha qu'après s'être immergé dans le miqwé : comment pourrait-il en effet dire qui nous a sanctifiés... alors qu'il n'est pas encore Juif Pessahim 7b; Rambam, Bérakhot 11,7.? Comme nous l'avons vu précédemment, la conversion relève de l'autorité d'un Tribunal Rabbinique, et devra être effectuée de jour, en présence de trois autorités compétentes. Si l'on a procédé à la tévila pendant la nuit, la conversion sera a posteriori valable, étant alors considérée comme la conclusion d'un jugement qui peut être prononcée à la nuit. Si par contre les trois autorités rabbiniques ne se trouvaient pas réunies à cette occasion même de jour, la conversion ne serait pas valable : il n'y a pas en effet de Tribunal de moins de trois membres Rambam, Issouré Bia 13, 6-7; cf. Maguid Michnè, ad loc.. Certains décisionnaires pensent cependant que puisque la tévila n'est que l'étape ultime de la conversion, on pourra valider cette dernière même si le quorum des trois rabbanim n'a pu être respecté Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 268,3; Dagoul Merevava. Une fois le converti
sorti du miqwé, on l'accueille en ces termes Massèkhet
Guérim 1,5; Birkè Yossèf, Yoré Déâ
268,2. : Statut du guèr (converti) Une fois passées toutes les étapes de la conversion telle que définies par la halakha, le guèr, désormais assujetti à toutes les mitswot, est considéré comme un Juif à part entière : ...une seule loi sera pour vous et pour le prosélyte Rambam, Issouré Bia 12,17. Bien que ne descendant ni des patriarches ni des Bénè Yisraèl qui ont conquis la Terre Promise, un guèr peut néanmoins dire dans la première bérakha de la âmida: D'ieu de nos pères..., et dans la seconde du birkat ha-mazone (actions de grâces après le repas): Nous te remercions...pour la terre que tu as donnée à nos ancêtres Choul'hane Âroukh, Orah Hayim 53, 19; 199,4.. En effet, quand le nom de Avram a été changé en Abraham, D'ieu lui dit : Je t'ai fait père d'une multitude de peuples Bérèchit (Genèse) 17, 5.. En d'autres termes, de père d'Aram qu'il était, Abraham devient dès lors père de tous les non-Juifs qui se convertissent au cours des générations. De là, sans doute, le nom de bèn Abraham qu'il est coutume d'attribuer à tout converti Yérouchalmi Bikourim 1, 4; Rambam, Bikourim 4, 3. Nos Sages enseignent qu'un guèr est semblable à un enfant qui vient de naître, et que tous ses liens familiaux antérieurs se trouvent désormais annulés. La Tora lui donnerait ainsi le droit d'épouser sa soeur ou même sa propre mère, si elles se convertissaient elles aussi. Nos Sages ont cependant interdit une telle possibilité, de peur que le converti n'en vienne à se dire : Je suis passé par ma conversion à un degré inférieur de sainteté, puisqu'une telle union qui m'était auparavant interdite m'est désormais permise Rambam, Issouré Bia 14, 2; Choul'hane Âroukh Yoré Déâ 269,1. Si le guèr a eu des enfants avant sa conversion, et qu'ils se sont eux-mêmes convertis, il aura accompli la mitswa de procréation : il lui incombait en effet, comme à tout homme, d'avoir une descendance. Ce devoir de procréation imposé à toute l'humanité se déduit du verset Yéchâyahou (Isaïe) 45, 18. : D'ieu n'a pas créé la terre pour qu'elle reste vide, mais il l'a formée pour qu'elle soit habitée Yébamot 62a; Rambam, Ichout 15, 6; Choul'hane Âroukh Even Ha-Êzer 1, 7. Un converti peut épouser une Juive sans aucune restriction. Le roi Sanhériv ayant mêlé tous les peuples de son empire : J'ai exilé les peuples de pays en pays Yéchâyahou 10, 13 et Targoum., on ne peut donc plus discerner qui est ammonite ou moabite (ni eux ni leurs descendants ne peuvent épouser une Juive) ou qui est édomite ou égyptien (ils ne peuvent épouser une Juive jusqu'à la troisième génération Dévarim (Deutéronome) 23, 4-9; Rambam I.B. 12, 18-21..) On ne peut donc se fonder, selon la règle générale de la Tora, que sur la majorité : la majorité des non-Juifs n'appartenant pas aux peuples cités ci-dessus, tout nouveau converti peut donc, a priori, épouser une Juive sans restriction Yadayim 4,4; Rambam, Issouré Bia 12,25; Choul'hane Âroukh Even ha-Êzer 4,10. Ajoutons enfin qu'un Kohène ne pourra en aucun cas épouser une convertie Rambam, Issourè Bia 18, 3.. Une des rares restrictions imposées au guèr est qu'il ne pourra devenir roi ou assumer une autre fonction publique. Cela s'appliquera aussi à ses descendants, si les deux conjoints sont convertis Rambam, Melakhim 1, 4.. Ce qui n'empêchera pas le guèr d'occuper une place importante dans la société juive : le prophète Ôbadia était un converti; nombre de grands maîtres de la Michena ou du Talmoud étaient également convertis ou descendants de convertis. Ainsi Chemaya et Avtalion qui présidèrent le Sanhèdrine; Onqelos, le rédacteur du targoum araméen; Rabbi Méir Baâl ha-Ness et Rabbi Aqiva. Les devoirs
envers le guèr Outre le devoir
d'aimer tout homme en Israël (tu aimeras ton prochain comme
toi-même), le Juif a une mitswa particulière,
répétée avec insistance dans la Tora, d'aimer
le guèr. D'ieu, lui-même, manifeste une prédilection
particulière à son égard : Il aime le
Dévarim (Deutéronome) 10, 18; Rambam, Déhote
6, 4.... |